Il est des livres auxquels vous pensez tout au long de la journée, attendant impatiemment le
moment où vous pourrez vous replonger dedans. Des livres qui vous prennent aux tripes et
qui vous laissent chaos. La chute des princes est de ceux-là.
Ainsi
commence l'histoire de Rooney, jeune trader qui dans le New-York des années 80 remonte le boulevard d’une réussite que rien ni personne ne semble pouvoir
altérer. Les femmes, le sexe, l’argent, la gloire, rien ne lui résiste. Il
crame sa vie comme on grille une cigarette ne se préoccupant jamais du
lendemain, vivant chaque instant intensément, surfant sur les vagues dangereuses de la drogue, du sida et l’alcool. Trente ans plus tard, ruiné,
il se retrouve chef de rayon dans une librairie de quartier. A quel moment tout a-t-il
basculé ?
Robert Coolrick nous délivre sous forme de nouvelles l’histoire
fascinante de la grandeur et la décadence d’un jeune trader. Chacun des vingt chapitres raconte une anecdote, une
amitié, une déception, un amour.
Les
pièces du puzzle s’assemblent reconstituant peu à peu la descente aux enfers de Rooney. Le contraste entre sa vie d’avant et celle
d’aujourd’hui est saisissant, contribuant d’autant plus au malaise et aux
regrets qui s’installent au fil des pages. La luxure, les putes, les
relations homosexuelles, les orgies, les fêtes, le plaisir, les bouteilles de
vin hors de prix, les casinos, les voitures de sport, tout n’est que débauche et course
contre la montre. Qu’en reste-t-il désormais? Quelques draps en satin, seuls
vestiges d’une époque à jamais révolue. Rooney porte un regard juste et sans aucun apitoiement sur ses erreurs passés. Bien sûr l'argent facile et l'insouciance lui manque, ses jeunes années aussi, mais il est maintenant heureux, d'un bonheur simple et durable.
Quelle plume que celle de Robert Coolrick! Très masculine, quelques accents de Tom Wolfe en filigrane, abrupte et directe, elle est aussi pleine de finesse et d'une remarquable sensibilité. Incroyable
mélange parfaitement réussi. Je suis, vous l'aurez compris, complètement conquise.
Bien sûr, on pense à Jérôme Kerviel et à tous ceux qui se sont stupidement brûlés les ailes, ne vivant que pour l'instant présent, grisé par le fric au pays du tout ou rien, oubliant trop vite que la vie ça n'est pas tout à fait ça. Robert Coolrick est bien placé pour le savoir, lui cette ancien Golden Boy qui, tout comme le héros de son histoire, s’en est miraculeusement sorti. Pour lui la
rédemption est passée par l'écriture. On ne peut que remercier le destin.
Vagabondage
Robert Coolrick termine son roman en apothéose par Ozymandias, un sonnet du poète britannique Percy Bisshe Shelley (1792-1822). Coolrick ne
pouvait trouver de vers plus éloquent que ceux d'Ozymandias (que vous reconnaîtrez comme étant Ramses II) pour conclure son histoire.
Je
rencontrai un voyageur venu d’une terre antique
Qui dit : « deux jambes de pierre vastes et sans tronc
Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable,
À moitié enfoncé, gît un visage brisé, dont le froncement de sourcil
Et la lèvre plissée, et le ricanement de froid commandement
Disent que le sculpteur sut bien lire ces passions
Qui survivent encore, empreintes sur ces choses sans vie,
À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.
Et sur le piédestal, apparaissent ces mots :
« Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois,
Regardez mes œuvres, ô puissants, et désespérez ! »
Il ne reste rien à côté. Autour de la ruine
De ce colossal débris, infinis et nus,
Qui dit : « deux jambes de pierre vastes et sans tronc
Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable,
À moitié enfoncé, gît un visage brisé, dont le froncement de sourcil
Et la lèvre plissée, et le ricanement de froid commandement
Disent que le sculpteur sut bien lire ces passions
Qui survivent encore, empreintes sur ces choses sans vie,
À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.
Et sur le piédestal, apparaissent ces mots :
« Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois,
Regardez mes œuvres, ô puissants, et désespérez ! »
Il ne reste rien à côté. Autour de la ruine
De ce colossal débris, infinis et nus,
Les sables solitaires, égaux, s'étendent loin.
La Chute des princes,
de Robert Goolrick, Paru aux édtion Anne Carrère en 2014 et aux éditions 10/18 en
2016. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie de Prémonville. Prix Anne
Carrière 20 €. 10/18 6 €.
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