lundi 19 mars 2012

Marilyn dernières séances (Michel Schneider)

Je voudrais disparaître, dans l’image ou hors de l’image ça m’est égal…mais disparaître,  disait Marilyn Monroe peu de temps avant sa mort. Ces paroles traduisent un mal de vivre infini n’est-ce pas ? Voilà ce qui transpire tout au long des 532 pages du vrai faux-roman de Michel Schneider, ancien Directeur de la musique et de la danse au Ministère de la culture. Il aborde le cas « Marilyn » sous l’angle de ses relations avec Ralph Greenson, un intellectuel juif, psychanalyste de la star, qui joua un rôle prépondérant durant les 30 derniers mois de sa vie.


Dans les années 50, la psychanalyse fait fureur à Hollywood. Les « médecins par la parole » sont omniprésents dans l’industrie du cinéma. On mesure mal aujourd’hui leur influence. Ils sont scénaristes, consultants, interviennent dans le choix des rôles et la signature des contrats et, tels des gourous, pèsent sur les décisions de leurs célèbres mais vulnérables patients. Évidemment, l’avantage financier n’est pas négligeable ! Marilyn, loin de faire exception en épuisa quatre, dont Greenson, le dernier. Freudien convaincu,  il s’essaie toutefois à une autre méthode. Détectant chez sa patiente le besoin d’un cadre familial qui lui renverrait l’image d’une certaine stabilité, il outrepasse ses fonctions en lui ouvrant les portes de sa vie personnelle. Dès lors, les rôles sont mélangés et Greenson devient bien plus qu’un simple thérapeute. Elle aimerait qu’il l’adopte ; il devient sa référence, le père qu’elle n’a jamais connu. Elle a besoin de le voir en permanence et multiplie les séances jusqu’à 2 par jour. Mais la réciproque est vraie. Quelques jours après sa mort il confiera: Elle était devenue mon enfant, ma douleur, ma déraison.

Schneider trace le portrait d’une jeune femme touchante, désarmante, dont la vie compliquée et atypique se déroule entre overdoses, avortements, divorces et solitude. Les contradictions s’enchaînent : adulée par le public, mais méprisée, voire haïe, par les metteurs en scène et les sociétés de production, resplendissante à l’écran, mais bouffie d’alcool et complètement stone hors champs, terriblement attirante mais désespérément seule…. Elle ne supporte pas d’être réduite à une simple icône sexuelle et aspire de toute son âme à être aimée. Au bout du compte il me reste l’image d’une femme insaisissable et fascinante, aux rapports plus que compliqués avec les hommes.
Si les tourments de Marilyn, les personnages de Montand ou de Miller sont très connus du grand public, ce n’est pas le cas de ce psy très spécial qu’était Ralph Greenson. L’ouvrage de Michel Schneider m’a donné l’occasion de le découvrir, dans un portrait en creux plutôt bien brossé.
Ma conviction, c’est que cette star du divan s’est complètement fourvoyée. En voulant donner à Marilyn l’exemple d’une famille équilibrée (la sienne), il lui a aussi montré ce qu’elle n’aurait jamais, créant ainsi un manque encore plus grand. De plus, il la fournit complaisamment en drogues et calmants jusqu’à devenir ni plus ni moins son dealer, la conduisant inéluctablement à la fin tragique que l’on sait. S’il n’est pas l’unique responsable (lorsqu’il accepte de la suivre en thérapie, elle est déjà dépendante des barbituriques et de l’alcool), le fait qu’il soit son dernier psychanalyste, mais aussi le dernier à l’avoir vu vivante et celui qui découvrit son corps inerte, lui confère un rôle décisif. Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec les cas plus récents de Mickael Jackson, Amy Winehouse ou Whitney Houston, eux aussi victimes de la grande générosité de leurs médecins. Mais peut-on imaginer Greenson poursuivit par la justice, à l’instar d’un Conrad Murray ?

Schneider a  construit son livre comme les rushs d’un film qu’il nous livre dans le désordre. Il ne s’agit ni d’un roman, ni d’une biographie. Il n’a recueilli aucun témoignage direct, mais a rassemblé des éléments issus de divers ouvrages, revues et journaux. Il combe les scènes manquantes et nous donne sa vision de l’histoire en prêtant ses propres mots aux protagonistes. Difficile de déceler le vrai du faux, mais peu importe. Quoi qu’il en soit, l’idée directrice est celle d’une Marilyn qui se débat et s’enfonce peu à peu sans que personne ne lui vienne en aide.  

J’ai eu l’impression de lire la chronique d’une mort annoncée, une (auto ?) destruction presque méthodique. Loin d’être une énième biographie, ce livre dresse une photo de la société hollywoodienne de cette époque sans appel. Monde brillant mais cruel, qui broie les êtres trop fragiles pour lui résister ! De ce point de vue, j’ai trouvé que le livre était vraiment très intéressant. Merci à Pam de me l’avoir conseillé.
Ce livre, récompensé par le prix interallié en 2006, a donné lieu à un documentaire que vous pouvez regarder légalement sur Dailymotion, en cliquant ici 

Fin de séance :
Greenson : Nous allons nous arrêter là.
Marilyn : Ah, vous aussi, vous dites : coupez ! Prochaine prise ! Marilyn dernière !


Vagabondage :
Presque 50 ans après sa mort, le simple prénom de Marilyn suffit à évoquer le glamour et la sensualité. Quelle fille n’a jamais rêvé de lui ressembler et de pouvoir faire « poupoupidou » en se trémoussant dans l’une de ses tenues mythiques ? On se souvient tous de sa « subway dress » dans Sept ans de réflexion (vendue 2, 4 millions de dollars aux enchères), de la robe ultra moulante, cousue directement sur elle, qu’elle portait au Madison Square Garden lors de la soirée d’anniversaire du Président Kennedy, ou encore de cette petite robe bustier en satin rose dans Les hommes préfèrent les blondes, soulignant une ligne parfaite. Pour le plaisir donc… 




Marilyn dernières séances, de Michel Schneider, paru aux éditions Folio. 2006

10 commentaires:

  1. En fait c'est Kate qui te l'a conseillé .... je sais pas facile de s'y retrouver ;-)
    Heureuse que le livre t'ait plu et le documentaire est très fidèle et complète avec les images cette histoire si triste de solitude et de perditions.
    Kate

    Ps : merci pour lien ...

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  2. Ah oui, bien sûr Kate!!!!J'ai un vrai problème avec les prénoms..:-)Oui le doc est vraiment très bien fait, très touchant.

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  3. Voilà qui donne une belle image des psys ! En particulier des freudiens (après Onfray...). Il parait qu'il y avait, à Hollywood, une "rue des divans" ? Je me trompe ?

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    1. Tu peux m'en dire plus sur cette rue des divans? Ca m'intéresse mais je n'ai rien trouvé sur internet....

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  4. j'ai lu le livre à sa sortie, j'avais beaucoup aimée cette approche, ou fiction et réalité ce mélange pour ne faire qu'un.
    Tu as raison de dire qu'on a l'impression de lire la chronique d'une mort annoncée, on se demande ce qui aurait pu la sauver. Pas son entourage en tout cas !
    Et ton vagabondage toujours un régal ! ( j'avoue être assez fan des ses films!)

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    1. Moi aussi j'aime bien ses films. Ils nous plongent au coeur d'une époque rassurante...Il faudra que l'on se fasse une petite soirée DVD à l'occasion :-)

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  5. J'ai fait une mauvaise manie sur mon précèdent commentaire j'apparait en "anonyme"!

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  6. Je reprends le fil Misty !
    Je pense que je vais me pencher de près sur ce livre; on a entendu, lu, tant de choses, mais je reste convaincue que Marylin était bien plus profonde que l'image de blonde plantureuse; comment aurait t-elle pu vivre avec Arthur Miller ou lui avec elle ? Elle reste une artiste complète, fimographie, discographie ... Je trouve que son mal être transparait dans tant de clichés. Pour moi,elle incarne la féminité, proche et inaccessible, plantureuse et femme enfant.
    Merci pour cette nouvelle idée lecture Misty.
    A bientôt
    Leeloo

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    1. C'est vrai qu'on a l'impression de la connaître Marilyn mais elle reste insaisissable tant ce qu'elle montre à l'écran et ce qu'elle était vraiment diffère...En tous cas, j'y ai pensé pas mal de temps après avoir refermé ce livre.

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