lundi 18 mars 2013

MARIE LAURENCIN AU MUSEE MARMOTTAN MONET


Le musée Marmottan Monet redonne leur place à quelques femmes peintres dont l’on a trop souvent passé le talent sous silence. Après la superbe exposition Berthe Morisot en 2011, c’est cette fois Marie Laurencin qui est à l’honneur pour la toute première fois en France.
Une centaine de toiles, empruntée pour la grande majorité au musée Nagano, retrace le parcours pictural de cette femme hors du commun, entre fantaisie, onirisme et avant-gardisme.

Marie Laurencin (1883-1956) est le fruit d’une aventure entre un fonctionnaire et une couturière. Sa mère l’élève seule et la prédestine à une carrière d’institutrice. La rencontre de Marie avec Georges Braque et Georges Lepape vont changer la donne. Ils détectent immédiatement son talent  et Braque l’emmène au Bateau Lavoir où elle côtoie les plus grands artistes : Pablo Picasso, Max Jacob, Fernand Léger, ou encore Guillaume Apollinaire qui deviendra son amant et dont elle sera la muse pendant quelques années. Toute sa vie, celle que l’on surnommait « Coco » collectionnera les amants mais aussi les amitiés amoureuses avec les femmes. Nicole Groult, sœur du célèbre couturier Paul Poiret et mère de Benoîte et Flora Groult, fut la plus importante.

L'exposition suit un déroulé chronologique.

Marie-Laurencin, autoportrait vers 1905
Tout d’abord marquée par l’influence de Picasso et du douanier Rousseau, Marie Laurencin débute sa période cubiste en 1904. Elle peint alors de nombreux autoportraits, dévoilant des traits irréguliers et durs, des lèvres épaisses et des cheveux crépus. Quelques années plus tard, elle confie J’avais vingt ans et j’étais laide, triste, et sans espoir. Cette époque est également très inspirée des gravures de mode qu’elle feuilletait chez sa mère, donnant lieu à des dessins stylisés que j’ai particulièrement aimés. On note déjà la transparence des matières et la délicatesse des attitudes qui furent la marque de fabrique de l'artiste. Mais pour l'heure, les couleurs oscillent entre entre gris et marron.
Marie-Laurencin, Nicole Groult -1913

En 1914, mariée à un baron allemand, elle s'exile en Espagne où ses toiles se teintent d’une ambiance andalouse. Cette époque ne fut sans doute pas la plus productive mais son style s’affirme. Le vert, le bleu et le rose font leur apparition et deviennent alors la palette dominante de son oeuvre.

Marie-Laurencin, Les deux espagnoles - 1915

De retour en France en 1919, l’artiste  côtoie le Tout Paris. C’est la période des années folles.
Marie-Laurencin, La baronne de Gourgaud
-vers 1923.
Grâce à son ami Jean Cocteau, dont elle disait Je l’aime car il a l’air d’une grue, elle réalise les décors et les costumes du ballet Les biches sur une musique de Francis Poulenc. Dés lors, elle devient incontournable dans la société culturelle et intellectuelle de l'époque. Les commandes affluent donnant lieu à de multiples portraits tels celui de la  la baronne Napoléon Gourgaud, ou encore Jeannot Salmon. 

Elle peint aussi des femmes aux allures enfantines que l’on dirait tout droit sorties de livres de contes. Mes femmes sont d’abord des filles et elles deviennent toutes des princesses, dit-elle.
Derrière les allures évanescentes et le calme apparent des personnages, une grand force émane de ces peintures et l’on s’attend à voir ces modèles éphémères se lever et s’éloigner dans le tableau une fois la pose terminée. Ils sont presque exclusivement féminins, à l’image des milieux saphistes qu’elle fréquente.
Marie-Laurencin, le baiser- Vers 1923

L’exposition met également l’accent sur l'importance des animaux dans l'imagination de l’artiste. Chiens, biches et chevaux accompagnent souvent ses représentations féminines. 

A partir des années trente, une myopie grandissante altère le regard que Marie Laurencin porte sur le monde. Le trait se fait moins précis, les visages s’estompent. Elle se lance alors dans une série de représentations de jeunes filles qui se ressemblent toutes, tristes et mystérieuses. Les nez disparaissent, les yeux sont comme des boutons de bottines, le sourire n’est qu’une esquisse et semble parfois énigmatique à l’image de celui de la Joconde. Mais l’élégance et la délicatesse sont toujours là, symbolisées par une mousseline qui couvre la poitrine, une rose ou un collier de perles.
Marie-Laurencin, Trois jeunes femmes - Vers 1953


Ne manquez pas à la fin de l'exposition les aquarelles et dessins aux crayons de couleurs. Vous les trouverez dans trois petites pièces. Elles sont superbes et montrent un grand sens du détail. La série de La dame aux Camélias est de toute beauté. A noter également la Jeune femme à la guitare, peinte en 1928.

J'ai adoré cette exposition car elle m'a fait rencontrer une artiste que je ne connaissais pas sous cet angle. Les tableaux présentés permettent de la découvrir intimement à travers ses fantasmes et son imaginaire. J’ai pénétré dans un bain vaporeux de couleurs pastelles, où les femmes s’aiment d’un amour tendre, où les jeunes filles sont des princesses, où les biches et les chevaux peuples un monde merveilleux. Un monde duquel on aimerait ne pas avoir à sortir.


Vagabondage

Marie Laurencin fut aussi une femme de lettres. Dans le Carnet des nuits, elle fait cette révélation inattendue : En tous cas j’ai toujours beaucoup mieux aimé la lecture que la peinture. Outre les nombreux échanges épistolaires qu’elle eut avec ses amis parisiens, elle écrivit aussi des poèmes. Voici l’un d’entre eux, particulièrement émouvant:

Le Calmant
Plus qu’ennuyée 

Triste
Plus que triste
Malheureuse
Plus que malheureuse
Souffrante
Plus que souffrante
Abandonnée
Plus qu’abandonnée
Seule au monde
Plus que seule au monde
Exilée
Plus qu’exilée
Morte
Plus que morte
Oubliée.


Marie Laurencin, Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, 75016 Paris
tous les jours sauf le lundi et le 1er mai, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h
du 21 février au 30 juin
tarifs : 10€ / 5€

6 commentaires:

  1. j'ai découvert ses œuvres il y a peu (je ne connaissais que la chanson), je découvre sa biographie, merci!

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    1. Pour moi aussi c'est longtemps resté une chanson ;-) Mais l'expo est vraiment top. Si vous avez l'occasion de venir à Paris, n'hésitez pas!

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  2. je viens, grâce à toi, de découvrir cette fabuleuse artiste qu'est Marie Laurencin ! l'exposition doit être vraiment captivante et magnifique. Le poème me plait beaucoup. Merci pour ce beau voyage. Libellule

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    1. Ravie de t'avoir fait découvrir cette artiste Libellule. Si tu viens prochainement à Paris, nous pourrons y retourner ensemble, je pense qu'un deuxième session m'enchantera tout autant !

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  3. Oui, l'expo me tente beaucoup, les oeuvres de Marie Laurencin sont vraiment d'une finesse rare: j'aime beaucoup!

    L'expo Chagall me fait aussi de l'oeil.. :)

    Violette

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    1. Je ne peux que vous encourager chaudement à vous rendre au Musée Marmottan Monet Violette. Je me suis également achetée le "Connaissance des arts" consacré à l'expo pour compléter ce que j'ai appris avec l'audio guide. Il est très bien fait.

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