
Une centaine de toiles, empruntée pour la grande majorité au musée Nagano, retrace le parcours pictural
de cette femme hors du commun, entre fantaisie, onirisme et avant-gardisme.
Marie Laurencin (1883-1956) est le fruit d’une aventure entre un fonctionnaire et une couturière. Sa mère l’élève seule et la prédestine à une carrière d’institutrice. La rencontre de Marie avec Georges Braque et Georges Lepape vont changer la donne. Ils détectent immédiatement son talent et Braque l’emmène au Bateau Lavoir où elle côtoie les plus grands artistes : Pablo Picasso, Max Jacob, Fernand Léger, ou encore Guillaume Apollinaire qui deviendra son amant et dont elle sera la muse pendant quelques années. Toute sa vie, celle que l’on surnommait « Coco » collectionnera les amants mais aussi les amitiés amoureuses avec les femmes. Nicole Groult, sœur du célèbre couturier Paul Poiret et mère de Benoîte et Flora Groult, fut la plus importante.
L'exposition suit un déroulé chronologique.
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Marie-Laurencin, autoportrait vers 1905 |
Tout d’abord marquée par
l’influence de Picasso et du douanier Rousseau, Marie Laurencin débute sa période cubiste
en 1904. Elle peint alors de nombreux autoportraits, dévoilant des traits
irréguliers et durs, des lèvres épaisses et des cheveux crépus. Quelques années
plus tard, elle confie J’avais vingt
ans et j’étais laide, triste, et sans espoir. Cette époque est également
très inspirée des gravures de mode qu’elle feuilletait chez sa mère, donnant lieu à des dessins stylisés que j’ai particulièrement aimés. On note
déjà la transparence des matières et la délicatesse des attitudes qui furent la
marque de fabrique de l'artiste. Mais pour l'heure, les couleurs oscillent entre entre gris et marron.
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Marie-Laurencin, Nicole Groult -1913 |
En 1914, mariée à un baron
allemand, elle s'exile en Espagne où ses toiles se teintent d’une
ambiance andalouse. Cette époque ne fut sans doute pas la plus productive mais
son style s’affirme. Le vert, le bleu et le rose font leur apparition et deviennent alors la palette dominante de son oeuvre.
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Marie-Laurencin, Les deux espagnoles - 1915 |
De retour en France en 1919,
l’artiste côtoie le Tout Paris. C’est la période
des années folles.
Marie-Laurencin, La baronne de Gourgaud -vers 1923. |
Grâce à son ami Jean
Cocteau, dont elle disait Je l’aime car il a l’air d’une grue,
elle réalise les décors et les costumes du ballet Les biches sur
une musique de Francis Poulenc. Dés lors, elle devient incontournable dans la
société culturelle et intellectuelle de l'époque. Les commandes affluent donnant lieu à de
multiples portraits tels celui de la la
baronne Napoléon Gourgaud, ou encore Jeannot Salmon.
Elle peint aussi des femmes
aux allures enfantines que l’on dirait tout droit sorties de livres de contes. Mes femmes sont d’abord des
filles et elles deviennent toutes des princesses, dit-elle.
Derrière les allures évanescentes et le calme apparent des personnages, une grand force émane de ces peintures et
l’on s’attend à voir ces modèles éphémères se lever et s’éloigner dans
le tableau une fois la pose terminée. Ils sont presque exclusivement
féminins, à l’image des milieux saphistes qu’elle fréquente.
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Marie-Laurencin, le baiser- Vers 1923 |
L’exposition met également
l’accent sur l'importance des animaux dans l'imagination de l’artiste. Chiens,
biches et chevaux accompagnent souvent ses représentations féminines.
A partir des années trente, une
myopie grandissante altère le regard que Marie Laurencin porte sur le monde. Le
trait se fait moins précis, les visages s’estompent. Elle se lance alors dans une
série de représentations de jeunes filles qui se ressemblent toutes, tristes et
mystérieuses. Les nez disparaissent, les yeux sont comme des boutons de
bottines, le sourire n’est qu’une esquisse et semble parfois énigmatique à
l’image de celui de la Joconde. Mais l’élégance et la délicatesse sont toujours
là, symbolisées par une mousseline qui couvre la poitrine, une rose ou un collier
de perles.
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Marie-Laurencin, Trois jeunes femmes - Vers 1953 |
Ne manquez pas à la fin de l'exposition les aquarelles et dessins aux crayons de couleurs.
Vous les trouverez dans trois petites pièces. Elles sont superbes et montrent
un grand sens du détail. La série de La
dame aux Camélias est de toute beauté. A noter également la Jeune femme à la guitare, peinte en
1928.
J'ai adoré cette exposition car elle m'a fait rencontrer une artiste que je ne connaissais pas sous cet angle. Les tableaux présentés permettent de la découvrir intimement à travers ses fantasmes et son imaginaire. J’ai pénétré dans un bain vaporeux de
couleurs pastelles, où les femmes s’aiment d’un amour tendre, où les jeunes
filles sont des princesses, où les biches et les chevaux peuples un monde
merveilleux. Un monde duquel on aimerait ne pas avoir à sortir.
Vagabondage
Marie Laurencin fut aussi
une femme de lettres. Dans le Carnet des nuits, elle fait cette révélation
inattendue : En tous cas j’ai toujours beaucoup mieux aimé la lecture que
la peinture. Outre les nombreux échanges épistolaires qu’elle eut avec
ses amis parisiens, elle écrivit aussi des poèmes. Voici l’un d’entre eux,
particulièrement émouvant:
Le Calmant
Plus qu’ennuyée
Triste
Plus que triste
Plus qu’ennuyée
Triste
Plus que triste
Malheureuse
Plus que malheureuse
Souffrante
Plus que souffrante
Abandonnée
Plus qu’abandonnée
Seule au monde
Plus que seule au monde
Exilée
Plus qu’exilée
Morte
Plus que morte
Oubliée.
Plus que malheureuse
Souffrante
Plus que souffrante
Abandonnée
Plus qu’abandonnée
Seule au monde
Plus que seule au monde
Exilée
Plus qu’exilée
Morte
Plus que morte
Oubliée.
Marie
Laurencin, Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, 75016 Paris
tous les jours sauf le lundi et le 1er mai, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h
du 21 février au 30 juin
tous les jours sauf le lundi et le 1er mai, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h
du 21 février au 30 juin
tarifs : 10€ / 5€
j'ai découvert ses œuvres il y a peu (je ne connaissais que la chanson), je découvre sa biographie, merci!
RépondreSupprimerPour moi aussi c'est longtemps resté une chanson ;-) Mais l'expo est vraiment top. Si vous avez l'occasion de venir à Paris, n'hésitez pas!
Supprimerje viens, grâce à toi, de découvrir cette fabuleuse artiste qu'est Marie Laurencin ! l'exposition doit être vraiment captivante et magnifique. Le poème me plait beaucoup. Merci pour ce beau voyage. Libellule
RépondreSupprimerRavie de t'avoir fait découvrir cette artiste Libellule. Si tu viens prochainement à Paris, nous pourrons y retourner ensemble, je pense qu'un deuxième session m'enchantera tout autant !
SupprimerOui, l'expo me tente beaucoup, les oeuvres de Marie Laurencin sont vraiment d'une finesse rare: j'aime beaucoup!
RépondreSupprimerL'expo Chagall me fait aussi de l'oeil.. :)
Violette
Je ne peux que vous encourager chaudement à vous rendre au Musée Marmottan Monet Violette. Je me suis également achetée le "Connaissance des arts" consacré à l'expo pour compléter ce que j'ai appris avec l'audio guide. Il est très bien fait.
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