dimanche 5 juin 2016

Les tribulations d'une cuisinière anglaise (Margaret Powell)

Inconditionnels de Downton Abbey (et non Downtown comme indiqué sur la couverture...), vous pensiez tout savoir sur la vie des domestiques dans l’Angleterre du début de XXème siècle ? Détrompez-vous ! Avec Les tribulations d’un cuisinière anglaise, Margaret Powell nous fait découvrir une vérité, sa vérité, quelque peu différente de celle livrée dans la désormais célèbre série anglaise.

Nous sommes en 1920. Margaret, une toute jeune fille, une adolescente dirait-on aujourd’hui, rêve de devenir institutrice. Issue d’un milieu modeste, elle doit toutefois revoir ses plans et subvenir rapidement à ses besoins afin de venir en aide à sa famille. C’est ainsi que, fortement poussée par sa mère, Margaret entre en condition. N’ayant aucune prédisposition pour la couture, elle devient par défaut Fille de cuisine. Débute une vie de contraintes et de lourdes privations. Les premières années, particulièrement, sont douloureuses. Malgré un caractère bien trempé et une volonté de fer Margaret plie l’échine devant des patrons exigeants, parfois, souvent, jusqu’à la bêtise. Voilà ce qu’écrit notre cuisinière :

Je me souviens d’une fois où j’étais entrain de briquer la porte d’entrée quand le livreur de journaux est passé. Juste comme je m’apprêtais à les poser sur la table du vestibule, Mrs Clydesdale est descendue ; alors…je lui ai tendu les journaux. Elle m’a regardé comme si j’étais quelque chose de pas tout à fait humain. Elle n’a pas prononcé un mot. Elle est juste restée là à me regarder. Elle avait visiblement du mal à penser que quelqu’un comme moi pouvait marcher et respirer. …. Finalement elle a articulé : Langley, vous ne devez jamais, jamais, vous m’entendez, sous aucun prétexte, me tendre quoique ce soit avec vos mains ; toujours sur un plateau d’argent.

On est loin de la Downton Abbey où Monsieur le Comte paie les dettes de ses femmes de chambres.

Question écriture, ne vous attendez pas à de la grande littérature. L’ancienne cuisinière livre ses souvenirs à la volée dans un franc-parler libre et sincère. Les anecdotes s'enchainent, on compatit, on sourit, parfois on rit, jaune, devant l’absurdité de certaines situations. Ce récit touchant par sa simplicité nous brosse un tableau sans fioritures de ce qu’ont vécu pendant des années ces femmes et ces hommes du sous-sol : les brimades, les humiliations, l’exploitation, la misère, sans compter la concurrence entre domestiques. Même dans les entrailles des grands maisons, la lutte des classes continue.

Les tribulations d’une cuisinière anglaise est donc un récit à prendre comme il vient, sans grandes attentes, mais qui remet les choses à leur juste place.

Vagabondage :
Margaret Powell, c’est aussi un éclat de rire. Tant et si bien qu’elle en a fait un disque. Attention aux tympans fragiles.
   




Les tribulations d’une cuisinière anglaise, de Margaret Powell. Paru en 2014 aux éditions Payot et Rivages. Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray. 8€ en livre de poche.

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