dimanche 30 octobre 2011

Rien n’est trop beau (Rona Jaffe)

La couverture en noir et blanc de ce roman de 550 pages nous met tout de suite dans le bain : une jeune femme au look très années 50 marche en funambule sur le Brooklyn Bridge, à New-York, et semble réfléchir à la meilleure manière de ne pas tomber.
C’est en  discutant avec un producteur de cinéma que Rona Jaffe décide d’écrire un livre  sur « les filles qui travaillent à New-York.» Elle connaît le sujet et sait de quoi elle parle. Cinq mois et cinq jours plus tard, la jeune auteure de 26 ans rend un manuscrit qui  deviendra immédiatement un best-seller. Ce 1er roman, publié en 1958 et réédité aujourd’hui par les Presse de la cité, fut une véritable révélation pour des milliers d’Américaines qui se reconnurent dans le destin des personnages. Il nous emmène au cœur de la Grande Pomme des années 50, dans un monde à la « Mad Men » gouverné par des hommes, et où les femmes n’ont souvent qu’un seul choix pour se construire un avenir : le mariage.
Ainsi, nous suivons les destins croisés de cinq secrétaires dans une grande maison d’édition de Manhattan, les éditions Fabian. Elles débarquent, fraîches et pleines d’espoir, avec un but commun et avoué : gagner une place au soleil, par leurs compétences ou en se faisant épouser (comme toute femme qui se respecte.. .).
Sur fond de harcèlement sexuel au travail, d’histoires d’amour cachées , d’amitiés naissantes, et d’ambitions inassouvies, Rona Jaffe nous livre un tableau sincère et moderne de la vie quotidienne de ces New-yorkaises.

Marie-Agnès, la « presque mariée fière de l’être », prépare fébrilement son mariage, jour après jour. Barbara, divorcée, ce qui est une quasi malédiction, souhaite rencontrer un homme qui prendra soin d’elle et de sa fille. Gregg, l’apprentie comédienne, a dû mal à gérer sa liaison, entre passion et possession, avec une personnalité connue. April, naïve et romantique, fantasme sur des relations d’une sincérité douteuse. Quant à Caroline, la plus affranchie des cinq, elle soigne ses peines de cœur en se jetant à corps perdu dans le travail et ambitionne de gravir les échelons.  Toutes vont déployer une incroyable énergie pour atteindre leur but. Y parviendront-elles ? Cela n’est pas simple et le temps presse. À cette époque, une célibataire de 25 ans était de facto étiquetée vieille fille.
Le roman se déroule sur trois ans et l’évolution des héroïnes est spectaculaire. Chacune fait à sa manière son apprentissage de la vie et leurs expériences bonnes ou mauvaises les rendront plus fortes.

Je me suis régalée de l’atmosphère de ce livre. Fan de la série « Mad Men », j’y ai retrouvé tous les ingrédients : l’ambiance New-yorkaise de l’époque, le frémissement du féminisme, les cocktails après le travail, la cigarette, les références à la mode... D’ailleurs, ce roman est le livre de chevet de Don Draper dans la 1ère saison. Mais il reste aussi très actuel, car les émotions qu’ils provoquent chez le lecteur sont intemporelles. Comme l’écrit Rona Jaffe, en 2005 : Rien n’est trop beau est un document sociologique, mais il parle aussi de ce qui change (rêves, existence), et comment tout changement en entraîne un autre. Et cela, ça ne change pas.

Vagabondage :
La fin de la seconde Guerre mondiale sonne l’heure du retour à la maison pour des millions de femmes qui ont participé à l’effort national en travaillant dans les champs et dans les usines. La vie domestique reprend son cours et les femmes retrouvent leur univers policé, jouant les parfaites maîtresses de maison  dans ce qu’elles considèrent parfois désormais comme une prison. Les publicitaires ont donc eu l’idée d’enjoliver cette situation pour montrer la femme au foyer sous son meilleur jour : pimpante, accueillante, brushée et soignée jusqu’au bout des ongles. Voici un petit florilège des publicités de l’époque dont certaines, qui vont jusqu’à la caricature, font frémir.







Rien n'est trop beau, aux éditions Presse de la Cité Etranger. Septembre 2011. Traduction de Jean Rosenthal

6 commentaires:

  1. Chouette un MadMen litteraire ; quelle magnifique initiative que ce blog Misty :-) On ne s'en lasse pas. A bientot sur In the mood Misry

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  2. J'ai beaucoup aimé le livre et les destins de ces personnages féminins. Et tu en parles très bien, jeune Misty.

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  3. Bonjour Misty, j'ai terminé hier soir le livre en question .... je l'ai trouvé convenu, sans surprise (on entrevoit tout de suite ce qui peut se passer).
    j'ai trouvé certains passages et chapitres assez ennuyeux. Et pourtant, j'ai aussi été émue par le destin de ces jeunes filles, souvent innocentes, et dont l'ambition de dépasse pas le mariage et les enfants. C'était aussi une autre époque et l'Amérique n'était pas la France. Certains dialogues sont carrément mièvres, et que dire des fautes de styles, des répétitions des "et, et, et. ou des que, que, que.)dans une même phrase. A mon avids, la comparaison avec MadMen est un mirage ... bien sûr, les hommes dans l'ensemble se ressemblent tous, mais MadMen nous rappelle et nous rattache sans arrêt aux évènements politiques et historiques qu'ont vécu les USA à cette époque, les personnages sont plus subtiles, toutes les femmes ne sont pas faibles et manipulables et tous les hommes ne sont pas des prédateurs. Ils ont eux aussi leurs faiblesses et leurs doutes. Ils peuvent être des perdants comme les femmes. Rien à voir avec ce livre . On arrive au bout avec un soupir d'aise. Et vite, passer à autre chose ....

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  4. @Libellule : J'avoue que je me suis sans doute d'avantage attachée aux histoires de ces femmes qu'au style d'écriture. Peut être un problème de traduction? Pour ma part je n'ai rien noté de bien choquant. Quant à la comparaison avec Mad Men elle tenait surtout à l'atmosphère qui est retranscrite dans ce roman (la mode, l'alcool, les cigarettes, la place des hommes et des femmes...). Mad Men est sans doute plus complet car la série remet en perspective des événement sociaux-politiques. Je comprends donc que tu aies été décue si tu t'attendais à retrouver cela...Et puis il est vrai que notre Dan Draper n'a pas son équivalent :-))

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