mardi 21 août 2012

Les souvenirs (David Foenkinos)


Voici le troisième roman que je lis de David Foenkinos et j’en tourne toujours les pages avec la même délectation. Certains reprochent à l’auteur de reprendre systématiquement les mêmes ingrédients : beaucoup de  fantaisie, un zeste d’humour, une pointe de tendresse, et une dose mélancolie. Mais je dois dire que je trouve toujours la recette aussi bonne.


Dans Les souvenirs, nous sommes loin de la légèreté du Potentiel érotique de ma femme. J’ignore s’il s’agit d’une fiction ou d’une autobiographie mais peu importe, tout semble avoir été vécu. David Foenkinos porte un regard sensible sur la vieillesse et le temps qui passe. Il nous raconte ses relations avec ses parents et ses grands parents, notamment avec sa grand-mère qui après le décès de son époux semble perdre ses repères. Ses enfants décident alors de la placer en maison de retraite. Mais cette dernière ne supporte pas la réclusion à perpétuité qu’on lui impose et, telle une adolescente, décide de fuguer. Son petit fils part à sa recherche et l’accompagne dans ce dernier voyage.

On dit souvent que la vieillesse est une suite de renoncements. Très justement et tout en finesse, Foenkinos nous raconte ces petites démissions quotidiennes et la prise de conscience de la fuite du temps. Il écrit : Elle vit soudain à quel point elle n’était plus une mère, mais un poids. Est-ce cela la ligne de démarcation de la véritable vieillesse ? Quand on devient un problème ? 
A l’heure où l’espérance de vie moyenne est d’environ quatre-vingts ans pour les femmes et soixante-dix-huit ans pour les hommes, et où la dépendance devient un véritable problème dans notre société, ce livre a un écho particulier. Chacun se retrouvera sans doute un peu dans les états d’âmes et les questionnements du narrateur. L’on se projette et l’on se demande quelle personne âgée nous serons. Quel lien social nous restera-t-il? Comment réagirons-nous lorsque les rôle des parents et des enfants seront inversés ? Je dois dire que c’est un peu angoissant. Surtout que rien n’est fait pour rapprocher les générations et que nous vivons de plus en plus les uns à côté des autres et non les uns avec les autres. Il suffit de se rappeler la canicule de 2003 qui fut révélatrice de la solitude extrême dans laquelle était plongé un grand nombre de nos aïeux. Pourtant les personnes âgées sont notre mémoire et ont beaucoup de choses à transmettre. En Afrique on dit : Quand une personne âgée meure c'est une bibliothèque qui brûle. Et bien il serait temps d’éteindre le feu et d’inciter à plus d’échanges entre les plus jeunes et les plus âgés.

A l’instar de la délicatesse, Foenkinos fait preuve d’originalité dans la construction de son livre grâce à des digressions. Il relie les chapitres par un souvenir de l’un des personnages qu’il vient d’évoquer. De l’illustre inconnu tel le caissier de l’autoroute A 13 aux célébrités comme Gainsbourg, ou Van Gogh, il nous fait partager un moment d’intimité de chacun.
Un bémol tout de même. La première partie du livre est tout à fait remarquable et l’auteur réussit à nous émouvoir grâce à une écriture touchante et subtile. Mais j’ai regretté que le récit bascule à mi-parcours sur le thème des relations amoureuses, thème qui revient perpétuellement, telle une obsession, dans chacun de ses romans et qui du coup ne nous laisse rien entrevoir de nouveau. On a l’impression de deux livres en un et je n’ai pas bien compris ce qui reliait les deux. Mais le plaisir de lire ce nouveau roman pallie cette petite faiblesse.
Je vous recommande chaudement ce livre intimiste et touchant qui vous entraînera peut-être sur la route de vos propres souvenirs. Mais attention, moral au beau fixe exigé avant de l’entamer !

Vagabondage : Un peu de légèreté avec cette chanson, interprétée par Georges Brassens, qui est un pied de nez au temps qui passe. Dans « Marquise », le chanteur reprend les trois premières strophes des Stances à Marquise de Pierre Corneille et y ajoute la quatrième composée par Tristan Bernard. La "Marquise" dont il est question est Thérèse Gorla, épouse du comédien Du Parc et comédienne elle-même, courtisée par nombre d'artistes (dont Racine).

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guères mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaîst à faire un affront:
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le mesme cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits:
On m'a vu ce que vous estes;
Vous serez ce que je suis.
Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant.
Les Souvenirs, David Foenkinos, paru aux éditions Gallimard en décembre 2011. 18,50 euros.

1 commentaire:

  1. tu vois Misty quand je lis ton article je me demande vraiment pourquoi je n'arrive pas à entrer dans l'univers de cet écrivain ... impossible, je m'ennuie ...
    En revanche Brassens est jubilatoire et intemporel
    Bonne vacances Misty
    Kate

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