samedi 19 octobre 2013

LA BIENFAITRICE (Elisabeth Von Arnim)

Après Avril enchanté et En caravane, La bienfaitrice est le troisième roman que je lis d’Elizabeth Von Arnim (1866-1941). Impossible de vous en faire le pitch sans vous présenter l’auteure car les points de ressemblance entre elle et son héroïne sont nombreux.

Née en Australie au sein d’une famille anglaise, Elizabeth Von Arnim fait ses études à Londres et part rapidement faire le tour des capitales européennes, comme il en était l’usage à cette époque. Sa rencontre avec Henning Von Arnim, un comte prussien, débouchera sur un mariage malheureux. Violent et machiste, son époux lui refuse le droit d’avoir des enfants (ils en auront pourtant cinq) et prend une maîtresse. Installée à la campagne, Elizabeth rêve de liberté et d’émancipation.
C’est à travers l’écriture qu’elle se réalise. Et si le comte lui interdit de signer son premier manuscrit, publié en 1898, sous le prétexte fallacieux que gagner de l’argent grâce à sa plume serait mal vu dans sa famille, il ne se prive pas de toucher les droits d’auteur à la place de sa femme!
Quelques années plus tard il meurt et Elizabeth après un court passage en Suisse revient en Angleterre. Elle fréquente et inspire alors les plus grands noms de la littérature comme George Bernard Shaw ou encore Katherine Mansfield, et entretient une liaison amoureuse tapageuse avec EM Forster. En 1916 elle se remarie à un Comte (encore un!) mais cette alliance sera rapidement suivie d’une séparation (encore une!). Elle meurt à soixante quatorze ans à Charleston aux Etats Unis.

A l’image d’Elizabeth Von Arnim, Anna Estcourt, l'héroïne de La bienfaitrice, est tiraillée entre désir d’indépendance et soumission aux convenances. En 1904, être toujours célibataire à vingt cinq ans n’est pas une sinécure, surtout lorsque l’on dépend financièrement d’un frère et d’une belle sœur qui vous considère comme un fardeau. Traînée de bals en bals, et de salons en salons, Anna ne montre aucun enthousiasme dans la recherche du mari fortuné qui pourrait la sortir de là. Bien au contraire, elle se renferme telle une huître dans sa coquille. Jusqu’au jour où sa bonne étoile se manifeste par l’intermédiaire d’un oncle qui la prend en pitié et lui lègue lors de sa mort une petite propriété à Kleinwald dans le nord de l'Allemagne. Folle de joie, Anna voit là l'occasion de réaliser ses rêves d'indépendance. Elle entreprend un long voyage pour aller s’installer dans son nouveau domaine et se lance dans une entreprise audacieuse : transformer sa maison en foyer d'accueil pour femmes seules et désargentées. Un appel à candidature est publié dans la gazette du coin et trois dames sans le sou mais de bonne famille sont les heureuses élues. Si l’idée est noble, la mise en œuvre n’est pas simple. Anna se heurte à l’esprit réactionnaire des villageois mais aussi au caractère trempé de ses protégées !

Avec ce roman incroyablement moderne pour l’époque, Elizabeth Von Arnim dresse un portrait ironique et sans concession de la petite société allemande de Kleinwald. Le pasteur antisémite, l’intendant calculateur, la nièce naïve et romantique, la belle soeur acariâtre, les villageois bavards et stupides, l’amoureux transi, ils ont tous un rôle à jouer dans le combat qu'Anna devra mener pour atteindre son but. Au fil du livre ses certitudes changent se transformant en compromis. Les situations cocasses, les malentendus et les incompréhensions entre les uns et les autres s’enchaînent, frôlant parfois l’absurde comme par exemple dans ce passage où Dellwig, l’intendant d’Anna, se rend compte qu’elle n’aime pas le porc! Car enfin quel est le but de toute personne sensée ? raisonnait l’intendant affolé. Gagner le plus d’argent possible. Qu’entend-on par bien vivre, sinon bien manger ? Et quel est le met e plus délicieux sinon le porc ?...Ne pas tuer pour elle ? Et pour qui les tuerait on alors ? Avec un propriétaire sur place refusant de tuer les cochons, comment sa femme et lui s’arrangeraient-ils désormais pour voir sur leur table leur met favori…. Lorsqu’un peu plus tard Dellwig retrouva sa femme avide de savoir comment était la nouvelle maîtresse, il répondit laconique : Folle ! 


Malheureusement, la grosse faiblesse de ce roman c’est la traduction. Je ne peux imaginer qu’Elizabeth Von Arnim écrive aussi mal. Répétitions et lourdeurs rendent le texte presque incompréhensible à certains moments. Pour preuve cet extrait parmi d’autres : Pourtant, en se rappelant la fin de son frère, et qu’il n’y ait aucune ombre de ce genre sur Fray Von Treumann, bien qu’elle eût un fils et qu’on ne pût dire combien de temps sa respectabilité durerait, elle essaya de se concilier les bonnes grâces de cette dame, qui recevait fraîchement ses avances et ne se réchauffait un tant soit peu que lorsqu’il était question de Fraülen Kuhäube.
C’est vraiment dommage car l’on s’attend à beaucoup mieux quand on lit cette auteure que l’on a souvent rapproché de Jane Austen !



La bienfaitrice, d’Elisabeth Von Arnim. Paru en 1902 réédité aux éditions Archipoche en 2013. Traduit de l’anglais par Marguerite de Vaudreuil, révisé par Isabelle Viéville Degeorges. Format Kindle 7,99€.



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