Après Avril enchanté et En caravane, La bienfaitrice est le troisième roman
que je lis d’Elizabeth Von Arnim (1866-1941). Impossible de vous en faire
le pitch sans vous présenter l’auteure car les points de ressemblance entre elle et son héroïne sont nombreux.
Née en Australie au
sein d’une famille anglaise, Elizabeth Von Arnim fait ses études à Londres et
part rapidement faire le tour des capitales européennes, comme il en était l’usage à cette époque. Sa rencontre
avec Henning Von Arnim, un comte prussien, débouchera sur un mariage malheureux.
Violent et machiste, son époux lui refuse le droit d’avoir des enfants (ils en
auront pourtant cinq) et prend une maîtresse. Installée à la campagne,
Elizabeth rêve de liberté et d’émancipation.
C’est à travers l’écriture qu’elle
se réalise. Et si le comte lui interdit de signer son premier manuscrit, publié
en 1898, sous le prétexte fallacieux que gagner de l’argent grâce à sa plume
serait mal vu dans sa famille, il ne se prive pas de toucher les droits
d’auteur à la place de sa femme!
Quelques années plus tard il meurt et Elizabeth après un court passage en Suisse revient en Angleterre. Elle
fréquente et inspire alors les plus grands noms de la littérature comme George
Bernard Shaw ou encore Katherine Mansfield, et entretient une liaison amoureuse tapageuse avec EM
Forster. En 1916 elle se remarie à un Comte (encore un!) mais cette
alliance sera rapidement suivie d’une séparation (encore une!). Elle meurt à soixante quatorze ans à Charleston aux
Etats Unis.
A l’image d’Elizabeth
Von Arnim, Anna Estcourt, l'héroïne de La bienfaitrice, est tiraillée entre désir d’indépendance et soumission aux
convenances. En 1904, être toujours célibataire à vingt cinq ans n’est
pas une sinécure, surtout lorsque l’on dépend financièrement d’un frère et
d’une belle sœur qui vous considère comme un fardeau. Traînée de bals en bals,
et de salons en salons, Anna ne montre aucun enthousiasme dans la recherche du
mari fortuné qui pourrait la sortir de là. Bien au contraire, elle se renferme
telle une huître dans sa coquille. Jusqu’au jour où sa bonne étoile se manifeste
par l’intermédiaire d’un oncle qui la prend en pitié et lui
lègue lors de sa mort une petite propriété à Kleinwald dans le nord de l'Allemagne. Folle de joie, Anna voit là l'occasion de réaliser ses rêves d'indépendance. Elle entreprend
un long voyage pour aller s’installer dans son nouveau domaine et se lance dans
une entreprise audacieuse : transformer sa maison en foyer d'accueil pour femmes seules et désargentées. Un appel à
candidature est publié dans la gazette du coin et trois dames sans le sou mais de bonne
famille sont les heureuses élues. Si l’idée est noble, la mise en œuvre n’est
pas simple. Anna se heurte à l’esprit réactionnaire des villageois mais aussi
au caractère trempé de ses protégées !
Avec ce roman incroyablement
moderne pour l’époque, Elizabeth Von Arnim dresse
un portrait ironique et sans concession de la petite société allemande de Kleinwald. Le pasteur antisémite, l’intendant calculateur, la nièce naïve et romantique, la belle soeur acariâtre, les villageois bavards et stupides, l’amoureux transi, ils ont tous un rôle à jouer dans le combat qu'Anna devra mener pour atteindre son but. Au fil du livre ses certitudes changent se transformant en compromis. Les situations cocasses, les malentendus et les
incompréhensions entre les uns et les autres s’enchaînent, frôlant parfois
l’absurde comme par exemple dans ce passage où Dellwig, l’intendant d’Anna,
se rend compte qu’elle n’aime pas le porc! Car enfin quel est le but de toute personne sensée ? raisonnait
l’intendant affolé. Gagner le plus d’argent possible. Qu’entend-on par bien
vivre, sinon bien manger ? Et quel est le met e plus délicieux sinon le
porc ?...Ne pas tuer pour elle ? Et pour qui les tuerait on
alors ? Avec un propriétaire sur place refusant de tuer les cochons,
comment sa femme et lui s’arrangeraient-ils désormais pour voir sur leur table
leur met favori…. Lorsqu’un peu plus tard Dellwig retrouva sa femme avide de
savoir comment était la nouvelle maîtresse, il répondit laconique :
Folle !
Malheureusement, la grosse faiblesse
de ce roman c’est la traduction. Je ne peux imaginer qu’Elizabeth Von Arnim écrive aussi mal. Répétitions et lourdeurs rendent le texte presque incompréhensible à certains moments. Pour preuve cet
extrait parmi d’autres : Pourtant,
en se rappelant la fin de son frère, et qu’il n’y ait aucune ombre de ce genre
sur Fray Von Treumann, bien qu’elle eût un fils et qu’on ne pût dire combien de
temps sa respectabilité durerait, elle essaya de se concilier les bonnes grâces
de cette dame, qui recevait fraîchement ses avances et ne se réchauffait un
tant soit peu que lorsqu’il était question de Fraülen Kuhäube.
C’est vraiment dommage car l’on s’attend à beaucoup mieux quand
on lit cette auteure que l’on a souvent rapproché de Jane Austen !
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