lundi 28 mai 2012

ARTEMISIA : POUVOIR, GLOIRE ET PASSION D’UN FEMME PEINTRE


Quelle excellente idée a eu le musée Maillol de consacrer une exposition à Artémisia ! J’ai eu un véritable coup de cœur pour cette artiste peintre du XVIIéme siècle (1593-1654), dont l’existence fut toute entière tournée vers la conquête de l'autonomie à une époque où les femmes restaient mineures à vie…

Longtemps, le talent d’Artémisia Gentileschi fut occulté par son histoire personnelle, la confinant au rang des héroïnes de roman. Le viol qu'elle subit dans sa jeunesse et le retentissant procès que son père Orazio intenta par la suite à son agresseur, le peintre Agostino Tassi, marquèrent un début de vie aussi dramatique que peu banal. Mais si cette épreuve a sans doute influencé la jeune femme dans le choix et le traitement de ses sujets, il serait dommage de ne voir son œuvre que par ce prisme et d’oublier que ses qualités artistiques furent louées par ses contemporains.

Au début, elle doit sa renommée à son amant, Francesco Maria Maringhi, un brillant intellectuel qui la présente à des personnes influentes, tels Michel Ange ou Galilée (pas mal pour commencer une carrière). Très vite elle parvient à vivre de son art. Son travail pour des princes et des cardinaux, la porte entre Rome, Venise, Florence et Londres.  
Toute l’Italie se passionne pour ses œuvres, les commandes affluent et ses portraits s’arrachent à prix d’or. Un succès qui semble éphémère,  puisqu’elle sombrera rapidement dans l’oubli après sa mort. Il faudra attendre trois siècles pour la réhabiliter, mais en 1916, l’historien d’art Roberto Longhi a dit d’elle qu'elle était la seule femme en Italie qui ait su ce que sont la peinture, la couleur, les mélanges et autres notions essentielles

Plusieurs choses m’ont interpellée, tandis que je me délectais en passant d’une pièce à l’autre. Tout d’abord la richesse et la diversité de l’œuvre présentée. On dit souvent que les métissages font les plus beaux enfants. Cela pourrait s’appliquer aux peintures d’Artémisia tant ses multiples influences et rencontres  (son père, Le Caravage, les pays qu’elle a visités) rejaillissent dans ses tableaux, marquant quatre grandes périodes : celle des débuts, où sa peinture est encore influencée par celle de son père, celle des années florentines, sous la protection du Grand-duc de Médicis, celle des années 1620, à Rome (période des peintres caravagesques), et enfin, la période napolitaine, considérée comme l’apogée de son art, où elle dirigera son atelier pendant 25 ans.

L’évolution du style d’Artémisia est particulièrement visible dans la série des Vierges à l’enfant. L’exposition met en scène trois versions réalisées à trois époques différentes. Si la composition demeure inchangée, les trois tableaux n’ont rien à voir les uns avec les autres. Ils sont cependant tous les trois magnifiques car ils montrent tout simplement l’amour entre une mère et son fils.

J’ai ensuite noté l’importance des clairs obscurs, technique reprise du Caravage et introduite par Artémisia à Naples. Elle la manie avec une précision et une habileté tout à fait remarquables, donnant ainsi une dimension dramatique ou théâtrale à certains de ses tableaux.


Enfin, j’ai été frappée par la récurrence de certains thèmes, comme si la finalité était de juxtaposer des scènes en une fresque qui raconterait une histoire. C’est le cas du Suicide de Cleopâtre, Judite et Abra tenant la tête d’Hollopherne dont je vous joins quelques représentations ici), ou encore Betsabée au bain.
Quel contraste entre la force des personnages représentés, pour l’essentiel des femmes courageuses et déterminées, et la douceur qui émane d’elles.
Quant au travail des couleurs, des étoffes et des décors qui démontrent d’une maîtrise incroyable du pinceau, je crois qu’il sera facile à chacun de l’apprécier.


Pour mieux profiter de l’exposition j’avais loué un audio guide et bien m’en a pris. Les explications sont très claires et animent parfaitement le parcours. N’hésitez pas. Ce sont cinq euros bien investis ! J’ai eu de la chance car bien que j’ai choisi un jour férié me rendre au Musée Maillol, il n’y avait pas trop de monde et j’ai pu profiter des tranquillement des tableaux, m’autorisant même à quelques allers-retours pour bien m’imprégner de chacun. 
Seul bémol : l’éclairage des tableaux n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Sabotage ! Les spots sont dirigés de telle façon qu’ils font briller la toile. J’ai souvent été obligée de me mettre de biais ou de me contorsionner pour voir l’œuvre sans reflet… Pas très pratique et au prix de l’exposition (11 euros plus l’audio-guide) j’aurais espéré une meilleure mise en valeur.
Malgré cela, vous l’aurez compris, Artémisia, c’est L’exposition 2012 à ne pas louper. Alors courrez-y, c’est jusqu’au 15 juillet.

Vagabondage : L’un des tableaux qui m’a particulièrement plu est la représentation de Danae.

Connaissez-vous cette scène de la mythologie grecque ? Je l’ai découverte à l’occasion de l’exposition de ce magnifique tableau, alors je partage….
Un jour, un oracle prédit au père de Danae, Acrisios, qu’il sera tué par son petit-fils. Pour éviter que la prophétie ne se réalise, Acrisios emprisonne sa fille dans une tour d'airain. Mais Zeus parvient à se présenter à elle pour la séduire sous la forme d'une pluie d'or. De cette union naît un fils, Persée. Fou de rage et de peur, Acrisios enferme sa fille et son petit-fils dans un coffre qu'il jette à la dérive. Ceux-ci s’échouent sur l’île de Serifos, où le roi Polydecte, épris de Danaé, tente de la forcer à l'épouser. Persée, revenant avec la tête de Méduse, change le roi en pierre et réussit à ramener sa mère à Argos.



ARTEMISIA : Pouvoir, gloire et passion d'une femme peintre. Musée Maillol jusqu'au 15 juillet. Plein tarif 11 euros.

6 commentaires:

  1. je cherchais des compléments sur cette expo que j'ai admirée dimanche, je suis ravie d'être arrivée sur cet article intéressant, merci!

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  2. Bonjour Eimelle, râvie que cet article vous ait intéressée. A très bientôt!

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  3. Une vie romanesque, en effet, et une oeuvre superbe, une des premières peintres baroques. Je trouve la citation de Longhi un brin misogyne, même si son admiration était totale, et totalement justifiée. je n'ai pas encore vu l'expo, peut-on y admirer l'autoportrait de l'auteur ?
    Bravo pour cette belle chronique.

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    1. Oui tout à fait Maxime, l'autoportrait est même l'un des premiers tableaux que l'on peut admirer et dans lequel Artemisia combine deux types de représentations: celui de l’allégorie de la peinture, qui représente traditionnellement une femme, et celui de l’autoportrait de l’artiste se représentant entrain de peindre.

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  4. J'étais impatiente de lire ton papier sur cette expo que j'ai tant aimée ! Je trouvais injuste qu'on parle si peu de cette peintre et l'expo lui rend un très bel hommage
    Je l'avais découverte par hasard en lisant un roman d'Alexandra Lapierre et j'avais ensuite eue la chance de la découvrir dans des musées italiens. Son coté "caravagesque" m'a tout de suite plu étant de surcroit une admiratrice de ce peintre.
    Quand aux représentation de Danaé il y en a eu beaucoup ! une que j'aime est celle de Klimt , mais Boucher, le Titien ou le Tintoretto en ont fait de très belle aussi.
    Tu as raison de conseiller audio guide, j'avais pris l'application iphone mais je pense que c'est la même chose (2,50 euros).
    Et seul bémol pour moi aussi, l'éclairage ! quel dommage, il faut vraiment parfois trouver l'endroit juste pour voir le tableau correctement. J'ai du mal à comprendre qu'il puisse y avoir de si grosses erreurs dans des endroits pareils.
    Mais le principal est le plaisir que l'on a de se balader entre les très belles oeuvres de cette grande artiste

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    1. @Sabine : Je ne connais pas les autres représentation de Danae mais je vais faire quelques recherches sur internet pour les découvrir. Merci!
      Il est vrai que je n'ai pas pensé à l'appli iphone mais je pense que ça doit être à peu près la même chose. Pour l'éclairage nous sommes d'accord mais heureusement que cela ne gâche pas le plaisir....A bientôt!

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