Voici encore un grand mystère du monde de l’édition. Comment se
fait-il que ce livre soit resté dans l’ombre aussi longtemps? Publié aux
Etats-Unis en 1966, réédité seulement en 2010, il paraît en France en mars 2012. Ce premier roman de Don Carpenter (1931-1995) fut pourtant très
remarqué lors de sa sortie et pour cause. C’est une vraie réussite. Quelques trajets
de RER m’ont suffit à le dévorer.
Sale temps pour les
braves raconte l’histoire d’un jeune homme en quête de liberté mais dont le
destin est scellé dès sa naissance. Jack Levitt est le fruit d’un amour passionné entre
un voyou et une fugueuse. Ils décèdent tous les deux très jeunes et laissent un enfant en héritage. Placé à l’orphelinat, Jack se construit entre
fugue, prison et violence. Pourtant il a la rage au ventre. Son envie, plus
forte que tout, d’aimer et d’être aimé, le pousse à prendre une autre
direction. Mais tiendra-t-il le cap ?
Don Carpenter nous dresse dans ce roman le tableau édifiant d’une
société américaine dont les dés sont pipés et où chacun doit faire avec les cartes qui
lui ont été distribuées. Dans ce contexte, comment survivent les laissés pour compte de la
population ? Certains tentent de s’en sortir mais sont
finalement rattrapés par leurs vieux démons comme Denny Mellon, l’ami d’enfance
de Jack, qui se laisse entraîner dans la facilité du jeu-sexe & money ; d’autres sont catalogués de par la couleur de leur peau, comme Billy Lancing, le compagnon
d’infortune, qui ne réussira qu’un temps à passer entre les vagues.
Quant à Jack, si c’est en tombant que l’on apprend à marcher, il passe maître
dans l’art. Il trébuche, se relève, chute encore, mais rien n’ébranle sa
volonté d’avancer. Il courbe l’échine, prend son courage à deux mains, cherche
sa place, sa raison d’exister. C’est un personnage attachant, simple et
innocent. Sa volonté d’en découdre est à elle seule une formidable leçon de
vie. Il se bat parfois pour le meilleur lorsqu’il met toute son énergie dans l’aventure
conjugale et la paternité, mais souvent pour le pire, lorsque pris d’accès de
rage face à l’injustice dont il se sent victime, il veut passer ses nerfs sur
le premier venu.
L’écriture de Carpenter est très efficace. Ici pas de fioritures
ou de métaphores, tout est dit et bien dit. La peinture que l’auteur nous fait de
l’univers carcéral est édifiante. Homosexualité, guerre de clans, maltraitance,
rapport de forces, tout y est, sans aucun racolage. La vie hors des murs n’est guère plus rose. Les
tentations sont nombreuses, prêtes à entraîner Jack vers ce qui le renverrait à la case départ. C’est la face cachée de l’American Dream que l’auteur nous
montre ici : celle des taudis, des salles de billard et des prisons qui
sont rongés par la corruption morale et financière de ceux qui les fréquentent.
Sale temps pour les braves est un roman émouvant, subtil, qui prête à réfléchir
et que je vous recommande de mettre au pied de votre beau sapin.
Vagabondage : Si je devais mettre ce livre en musique
je choisirais sans aucun doute ma chanson préférée de Jacques Brel, La quête. A vous faire dresser les poils
sur les bras…
Sur quelques photos de votre humble hôtesse :-)
Sale temps pour les braves (Hard Rain Falling), Don Carpenter (1966), traduit de l'anglais par Céline Leroy, Cambourakis, mars 2012, 352 pages, 23,40€
Merci Misty pour cette bonne idée, je cherchais un livre pour mon frère pour Noël et celui-ci semble parfait !
RépondreSupprimerThanx :-)
Kate
De rien Kate ! J'espère que ça lui plaira autant qu'à moi:-)
RépondreSupprimerJe n'ai pas de poils sur les bras, moi, mais ce roman était en effet l'un des plus remarquables de l'année 2012. Il y a quelque chose de Fante chez Don Carpenter...
RépondreSupprimerExcellent choix, Misty !
Oui c'est vrai que ça fait penser à Fante, un auteur que j'aime tant que je viens d'acheter Demande à la poussière en VO !
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