dimanche 13 mai 2012

Robert Crumb : le galopin de la BD




Pour la première fois, le Musée d’Art Moderne (MAM) de la Ville de Paris consacre une rétrospective au plus Underground des dessinateurs américains, Robert Crumb, aujourd’hui âgé de 68 ans.

De cet artiste je connaissais surtout l’un des personnages les plus marquants de sa carrière : Fritz The cat. Sans doute avez-vous déjà croisé ce chat paillard, qui profite à fond de ce que la vie lui offre  au cœur d’une Amérique à la recherche du bien être et du confort, les valeurs premières de l’Américan way of life. J’avais également en tête quelques images de femmes plantureuses, fessues et dominatrices, autant dire flippantes !
Mais au fil des sept cents planches exposées, j’ai découvert que l’œuvre de Crumb était autrement plus fournie. Couverture de magazines, planches de BD, pages de carnets de croquis jamais publiés et consultables sur tablettes numériques, pochettes de disques…il y en a suffisamment pour se faire une idée de cet artiste hors du commun. D’autant plus qu’il n’hésite pas à se mettre à nu dans ses dessins, relatant ses relations avec les femmes et sa vision (très) pessimiste et (très) effrayante  de l’homme moderne.


La rétrospective suit un déroulé chronologique et débute en pleine période hippie. Mister Natural, Fritz The Cat, Snoid, sont autant de (anti) héros étonnants qui permettent au dessinateur de dénoncer la désintégration sociale et morale de l’Amérique des années 60. Il avoue lui-même que son addiction au LSD n’est pas étrangère à cette vision du monde déjantée.


Entre 1979 et 2009, l’imagination fertile de l’artiste ne faiblit pas. Entre autres personnages improbables, la femme Yeti fait son apparition : un joli brin de fille, très, très poilue, poilue, mais pas moins coquette (vous noterez le noeud dans ses cheveux).



Il élève également son épouse, Aline, qu'il surnomme « the bunch » (le p’tit lot), au rang de ses héroïnes incontournables, en la prenant pour modèle. 
En 1980, il collabore avec Bukowski sur une série de comics. Et en 1993 il illustre Kafka for beginners, une biographie de l’écrivain écrite par D. Mairowitz.
Des pochettes de disques de stars du rock ponctuent le parcours : The Grateful Dead, Janis Joplin, Deep Purple, Bob Dylan, Neil Young, The Who....

La visite prend fin avec son oeuvre colossale sur la Genèse, fruit de quatre années de travail avant sa publication en 2009. Il nous livre ici une bande dessinée sobre et sérieuse qui a souvent déstabilisé, voire déçu, les fans de Crumb par son manque d’audace. Il explique : j’ai été obligé de me discipliner, de coller au texte, de me mettre à un second plan par rapport à l’histoire. Mon intention était d’être illustrateur de cette œuvre. J’ai voulu représenter Dieu de façon traditionnelle et patriarcale, avec sa barbe blanche, car c’est comme ça qu’i est perçu dans la société occidentale.


Au bout du compte, j’ai découvert un artiste complexe, qui expose ses démons intérieurs. Le sexe, l’amour, les femmes sont les thématiques récurrentes de l’œuvre  de Crumb, au service de sa folie et de ses nombreuses obsessions. Je ne suis pas restée indifférente à sa vision très trash de la société et son humour singulier. Ses dessins bourrés de détails et la virtuosité de son coup de crayon font de lui l’un des meilleurs dessinateurs au monde.

J’ai eu cependant quelques regrets. Les planches ne peuvent que très rarement se suffire à elles mêmes et il faut lire les textes pour comprendre l’absurdité ou la drôlerie des histoires racontées. Et là est le hic. Tout est en anglais, les traductions sont rares. Autant vous dire que si vous n’êtes pas « fluent », c’est la galère…
Autre bémol: on défile dans des pièces dont les murs sont couverts de planches écrites en minuscules caractères! La salle exposant la Genèse donne même le vertige ! Si le but était de montrer la densité de l’œuvre de Crumb, banco ! Mais moi, ça m’a presque découragée. J’ai cru que je n’arriverai pas au bout et, du coup, j’ai survolé beaucoup de choses. Prévoyez donc une bonne paire de chaussures et une autre de lunettes, car si vous voulez profiter de l’intégralité de l’exposition, il va vous falloir passer beaucoup de temps au MAM.
  
Mais que cela ne freine pas votre envie d’aller découvrir cet artiste à contre-courant, psychédélique, acide et subversif. Ne pas y aller serait se priver d’un moment avec un dessinateur incontournable.


Vagabondage : En 1974, Ralph Bakshi a fait une adaptation de Fritz the Cat en dessin animé. Mais Crumb, qui a considéré le résultat raté, n’a jamais voulu y être associé. A tel point qu’après la sortie du film il a  décidé de faire assassiner Fritz par une autruche avec un pic à glace…Basic Instinct avant l’heure ?
Je vous laisse découvrir la bande-annonce :



Exposition Robert Crumb : de l’Underground à la Génèse. Musee d’Art Moderne. Jusqu’au 19 août. Plein tarif : 8 €




6 commentaires:

  1. je l'ai découvert à l'occasion de la sortie de la Génèse, Telerama avait eu la bonne idée pendant l'été de le mettre par petit épisode dans son journal, et j'avoue que j'attendais avec une certaine impatience le prochain numéro pour lire cette BD qui m'avait bien accrochée.
    Je ne connais pas le reste de son oeuvre, mais ça donne envie d'aller voir l'expo.
    Tu es très prolifique en ce moment je trouve !

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    1. Ah Télérama , bonne source d'information :-) Oui si tu as l'occasion d'aller voir l'expo, tu verras, on en ressort pas indifférent.
      Et oui, il y a pas mal de choses à faire, voir, lire en ce moment, d'où ma production !

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  2. Difficile pour ceux qui ne matricent pas la langue de Fritz the Cat d'apprécier le vagabondage. Mais ça se laisse regarder quand mme... En tout cas, merci pour cette mise en valeur de l'expo, c'est très intéressant !

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    1. Merci Lucie. C'est vrai qu'il aurait été bien d'avoir quelques sous titres pour le vagabondage mais les images sont assez éloquentes..;-)

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  3. Je n'ai jamais pu Crumb .... je ne sais pas ça me déprime ... et pourtant je vis avec un fan absolu qui a toute son oeuvre mais non je ne peux pas. cela n'enlève pas son talent et sa folie, et il en faut !
    Kate

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    1. Oui c'est vraiment très très spécial.....mais c'est surtout la découverte qui m'a plu car je ne connaissais pas bien cet artiste.

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